Transformation des entreprises:
les mots & le sens
LA TRANSFORMATION DE L’ENTREPRISE PASSE PAR LE débat ET LA cohésion
ET PAR L’ABANDON DES MOTS « marketé » !
L’entreprise a toute les chances de réussir sa transformation en retrouvant de bonnes pratiques de langage (mais pas que…).
Le changement ne doit plus être conceptualisé et appliqué d’autorité par vagues successives. Mais au contraire émaner des ressources de l’entreprise. Pour ce faire, la responsabilité de l’entreprise est de créer les conditions favorables à l’innovation. Les managers peuvent être d’excellents accélérateurs de performance en enclenchant un cercle vertueux.
L’un des enjeux est de lier les différentes innovations : produits, procédés, stratégique et managériale, dans une logique d’amélioration continue avec la participation constante des équipes.
LES MOTS QUI FONT EVOLUER LE SENS
Le marketing est aussi passé sur l’évolution des mots utilisés, et cela change les sens.
Ce n’est pas nouveau comme phénomène. Déjà en 1960, la pratique avait cours, en intégrant le mot « pacification » pour parler de la « guerre » en Algérie. Cet exemple illustre bien la situation en étant un paroxysme puisqu’il utilise un antonyme pour faire « valider » une idée.
Cela étant, les pratiques se sont largement généralisées au fur et à mesure de la prise de pouvoir de la « publicité » et encore amplifiées par la recherche de « consensus » à priori de nos politiques. Certainement dû à un désengagement de la notion « courage » pour ces derniers, au profit d’un retour sur investissement immédiat.
Le fait est, que l’usage de mots « marketé » fait perdre peu à peu le sens profond des choses et des relations humaines… et contre tout attente, et contrairement à l’idéologie recherchée, génère de la division.
Le mot « consensus » vise à évincer dans tous les domaines le débat, la contestation et la délibération.
Pratique dommageable à long therme, car le débat et l’échange d’idées sont la source même de l’innovation.
À un tel point qu’aujourd’hui le verbe « rassembler » cherche à « diviser ». Les langages « marketés » utilisés empêchent de plus en plus la prise de conscience, et de fait, distance en masquant les réalités qui vont à terme, être source de conflits plus importants.
Pour exemple, le fait de présenter un nouveau responsable à une équipe comme étant la suite d’une évolution « naturelle » due à son ancienneté, cherche à faire admettre qu’il est mal sain de penser qu’il y a une ambition cachée et dans certains cas, néglige la notion d’éligibilité.
La notion de « morale » est également utilisée car elle ne peut être contestée. En fait, la moralité est convoquée dans la prise de position sur des questions qui ne sont pas définies à l’origine de manière éthique. La morale sert de fondement à une décision et par là-même lui confère une portée morale alors que le sujet ne le nécessite aucunement. Par exemple sur des décisions d’ordre économique, d’équité… alors que le mot devrait être « justice ».
Un bon exemple d’actualité qui utilise la notion « morale »:
Brunot Lemaire, ministre de l’économie a déclaré le 07/11/2019 : « La Française des Jeux doit appartenir aux Français grâce à la participation populaire la plus large possible. »
Si on décortique un peu la situation, La Française des Jeux ne doit pas « appartenir » aux Français, vu qu’elle appartient depuis toujours aux Français… De fait, vendre des participations de La Française des Jeux ne fait que permettre à certains d’acheter ce qui appartenait jusqu’alors à tout le monde.
Excellent exemple de langage marketing qui fait appel au sens moral, mais qui maltraite la relation aux autres.
Le langage « fonctionnel » est également de la partie, inattaquable car il semble purement fonctionnel par définition et enferme les options possibles. Le mot « dysfonctionnement » en est un bon exemple, qui vide de sens « les défaillances » commises en dédramatisant et en rendant abstrait des situations rencontrées, et implique une notion purement technique qui masque les responsabilités.
Ces techniques de langage qui deviennent insidieusement des pratiques communes sont source non seulement de conflits mais in fine d’échec en empêchant la confrontation, l’échange productif, la remise en question.
En somme, cela asphyxie l’innovation des entreprises. Car pourtant, tout le monde est d’accord pour dire qu’il faut changer les choses, que l’organisation vieillie, qu’il faut se transformer, aller plus vite, être plus créatif…
La transformation de l’entreprise n’est possible qu’avec l’adhésion des collaborateurs, leur participation et leur engagement. Et plus les choses sont difficiles, plus il est impératif d’engager des réflexions et de co-créer des réponses. Donc, engager le débat.
À défaut, l’entreprise autogénère une résistance au changement de la part des collaborateurs et va déclencher une réaction immunitaire qui se traduira par l’échec des efforts produits. Par exemple, et pour la transformation de projets numériques, le taux d’échec est d’environ 60% (Forrester Consulting). Il en est de même pour toutes autres transformations, et ce, même si elles sont jugées nécessaires au développement de l’activité.
Un management au coeur du changement
Ceci étant, il ne s’agit pas de vouloir tout casser, loin de là.
Il est au contraire nécessaire, de commencer par le début, la réalité de l’organisation existante qui a permis à l’entreprise d’exister, de croitre. D’accepter les modèles qui ont bien servis l’organisation jusque-là tout en assurant de l’emploi. Mais accepter l’existant n’enlève rien à l’envie de le transformer. Ce n’est pas opposable.
Cela signifie tout simplement travailler ensemble dans un système en perpétuelle évolution. Et s’il y a bien une chose qui ne change pas, c’est la perpétuelle évolution …
Comme dans la vraie vie (celle en dehors du monde travail), où chaque personne évolue en fonction de son cadre, des apports technologiques présents, des possibilités offertes et tout simplement en s’accordant avec l’évolution sociétale et l’ordre morale du moment.
Il est donc de la responsabilité de l’entreprise d’initier et de développer les échanges, avec des acteurs qui exposent, testent et ajustent des modèles mentaux en s’incluant dans l’équation, avec humilité mais aussi avec détermination.
En somme, il s’agit de mettre en pratique une démarche industrielle qui a fait ses preuves : l’amélioration continue. Peu importe la méthode utilisée, mais en l’appliquant au volet social de l’entreprise.
Cette démarche d’amélioration continue appliquée aux acteurs de l’entreprise permet d’obtenir un climat sain, constructif et pertinent pour la création de valeurs. En installant dans la continuité (voire faisant partie de la politique intrinsèque de l’entreprise) cette démarche, il n’est plus besoin d’effectuer des audits, et autres diagnostics coûteux pour obtenir une photo des existants des modes de fonctionnement de l’entreprise et/ou des équipes dès lors que l’on veut insuffler le moindre changement, qui de surcroît engendre du stress et de l’inconfort dans le meilleur des cas, sinon de l’incompréhension, de la perte de sens et de la résistance.
Au contraire, avec une démarche d’amélioration continue dédiée aux collaborateurs, l’entreprise installe le changement dans une logique durable et admise par tous, comme une évidence. Le lean, les 5s, l’agilité avec le Scrum, le design thinking sont en cela, des méthodes et des philosophies directement applicables. Des méthodes de «bon sens».
Ce qui est bien avec ces méthodes, c’est qu’il est facile de les déployer progressivement, par exemple à l’occasion d’un projet. En les généralisant, service après service, tout en s’améliorant au fil du temps. CQFD.
Ford ne disait-il pas « il faut supprimer l’inutile » ? ou encore « Se réunir est un début ; rester ensemble est un progrès ; travailler ensemble est la réussite.»…